De retour de délégation d’observation en Turquie 

Publié le 03 avril 2024

NB : Depuis la rédaction du compte rendu, le pouvoir d’Erdogan essaie de masquer sa défaite en invalidant des maires du DEM élus dimanche, comme à Van. Il faut que la voix des peuples soit entendue. Le PCF participera à la manifestation pour exiger le respect de la volonté populaire à l’appel du CDKF samedi 6 avril à 14 h place de la République à Paris.

Les élections municipales, provinciales et régionales qui ont eu lieu le même jour en Turquie se sont déroulées dans un climat politique tendu et une situation économique très dégradée dans le pays. Un an après la réélection de Recep Tayyip Erdoğan, la pression sur les villes kurdes n’a cessé d’augmenter, où la plupart des maires HDP élus en 2019 ont été emprisonnés peu après leur élection et destitués de leurs fonctions. Ce sont donc des administrateurs nommés par le gouvernement turc qui ont pris en charge l’administration des villes, comme à Diyarbakır, où la ville est sous tutelle depuis 9 ans maintenant. Cela empêche toute mise en place de projet politique et aggrave la situation économique de la population locale déjà touchée par l’inflation que connaît le pays.

Le parti HDP a également dû changer de nom pour éviter son interdiction politique pour terrorisme, pour s’appeler aujourd’hui le Parti de l’égalité des peuples et de la démocratie (DEM).

C’est dans ce contexte que nous sommes partis en tant qu’observateurs du PCF rejoignant les 130 autres observateurs internationaux venus de nombreux pays pour observer le déroulement du vote. Nous avons été envoyés dans des bureaux de vote de la province de Şanlıurfa, à la frontière avec la Syrie, principalement en milieu rural, là où les fraudes sont les plus massives, avec l’inscription en très grand nombre de militaires stationnés dans la région, avec par exemple 450 personnes inscrites à la même adresse.

Sur place, la tension était palpable, de nombreux heurts ont eu lieu dans les bureaux de vote et à Diyarbakır, deux personnes sont mortes. Nous n’avons pu progresser que grâce à la présence d’un dispositif de sécurité mis en place par le DEM qui a dû nous escorter dans les bureaux de vote où nous n’étions clairement pas les bienvenus. Malgré le bouche-à-oreille qui s’est organisé pour prévenir les bureaux de vote de notre arrivée et le fait que le vote était systématiquement interrompu en notre présence, nous avons relevé de nombreuses irrégularités : présence d’hommes armés dans les bureaux, urnes non scellées, des administratifs qui votaient à la place des personnes dans les bureaux, une présence très nombreuse dans l’isoloir, etc.

Malgré les nombreuses fraudes constatées dans tout le pays, les résultats sont historiques pour toute la gauche, qui conserve les grandes villes et progresse dans de nombreuses provinces. Le DEM se renforce également dans la région du Kurdistan, en prenant des provinces à l’AKP (parti de Recep Tayyip Erdoğan).

À Diyarbakır, le soir du 31 mars, des feux d’artifice ont été lancés et les rues étaient en fête.

Le défi est désormais devant eux. Tous les candidats que nous avons rencontrés nous ont fait part de leurs espoirs pour les résultats mais aussi de leurs incertitudes quant à la possibilité de diriger les villes sans être mis sous tutelle et au risque de répression contre l’ensemble des candidats présentés par le DEM.

Grégoire Ferroud, Elie Joussellin, Flore Munck

Article publié dans CommunisteS, n°990, 3 avril 2024.