Européennes : Travaux d'élaboration du programme – Extraits de l¹intervention de Christian Picquet au dernier CN

Publié le 03 avril 2024

Nous partons d’un préambule dont nous proposons que Léon soit le signataire, qui resitue l’élection européenne dans le cadre de ce à quoi le monde du travail se voit présentement confronté : les menaces sur la paix du monde ; l’austérité qui vient de conduire Bruno Le Maire à l’annonce de 25 milliards d’euros de coupes dans la dépense publique pour satisfaire aux injonctions du pacte budgétaire européen qui vient d’être relancé ; la casse des services publics dans tous les domaines ; les délocalisations et les fermetures d’entreprises ; le dérèglement climatique ; l’asphyxie démocratique…

À partir de ce constat, nous soulignons la cohérence entre notre campagne pour envoyer des députés au Parlement européen et notre engagement pour construire en France une perspective d’espoir, pour battre le macronisme et la droite, et pour faire refluer une extrême droite qui se nourrit dangereusement du délitement social et de la décomposition politique. Nous dressons ensuite l’état des lieux d’une Europe néolibérale et capitaliste qui n’a fait que généraliser la libre circulation des capitaux, déréglementer à tout-va, casser les droits sociaux fondamentaux et mettre en concurrence les salarié·e·s sur tout le continent.

En dépit des coups portés au monde du travail, cette logique n’en a pas moins amené la construction capitaliste de l’Europe au bord d’une crise majeure. Cette crise qui voit les classes dominantes ne plus s’unifier aujourd’hui autour du même projet, et les trajectoires des différents États se dissocier de plus en plus manifestement, à l’image de l’éclatement - de facto - de ce que l’on nous présentait hier encore comme le mirifique « couple franco-allemand ».

Nous en faisons découler, dans cette première partie du document, les contours du projet que nous portons, et que nous définissons, pour combattre les desseins du capital, comme l’Europe des nations et des peuples libres, souverains et associés.

De cette définition, ou plutôt de ce rappel puisque nous défendons cette visée stratégique depuis de nombreuses années, nous faisons découler cinq grands axes et vingt engagements pour la mandature.

C’est là que réside la principale actualisation de nos positions. Nous sommes évidemment conscients que nous avons manqué de temps, compte tenu de ce qu’a été l’agenda de la direction du parti et de ses membres dans les trois derniers mois pour fournir un document plus tôt au conseil national. Nous nous en excusons, en soulignant toutefois, auprès de vous, que nous avons voulu effectuer ce travail au plus près de ce que sont les élaborations du parti et de ses commissions. Peut-être ne sommes-nous pas parvenus à la faire de manière totalement satisfaisante, mais c’est cependant ce qui a guidé notre travail d’un bout à l’autre.

Je reprends rapidement les cinq axes, dans le souci de rendre compte de la cohérence avec laquelle nous les avons construits.

Le premier axe concerne la question démocratique. Celle-ci ne se limite pas aux dimensions institutionnelles, mais englobe aussi bien la manière dont l’austérité a toujours été imposée aux citoyens et aux citoyennes, que le refus de l’élargissement de l’UE qui ne ferait que creuser les fractures européennes et aggraver les compétitions entre les travailleurs, ou encore le besoin de ruptures concrètes pour permettre aux peuples de reprendre la main sur les choix européens, sans parler des traités de libre-échange auxquels nous opposons le besoin de nouvelles coopérations solidaires.

Nous désignons le deuxième axe sous le titre de « Prendre le pouvoir sur le capital ». Il concerne tout ce qui relève des souverainetés à reconquérir en matières industrielle, énergétique dans le cadre d’une écologie populaire, agricole et alimentaire - question dont on voit bien quelle importance elle revêt dans le débat électoral, à la suite du mouvement des agriculteurs -, et numérique.

Le troisième axe, ce sont les services publics, question nodale pour décliner une nouvelle politique européenne, tant il est décisif de mettre en échec les politiques de libéralisation cherchant à s’accaparer des biens communs fondamentaux, à commencer par la santé, les transports, l’enseignement et la recherche.

Le quatrième axe liste les exigences que nous avons regroupées sous l’intitulé « Conquérir le progrès social et l’égalité ». Le souci est de mettre en valeur l’objectif de nouvelles conquêtes sociales et de leur alignement par le haut sur les acquis les plus élevés dans l’Union, la révolution féministe et tout ce qui relève de l’égalité des droits, la promotion de la vie associative et de l’économie sociale et solidaire, ainsi que les questions de l’art, de la culture et des médias, l’exception culturelle étant appelée à être une dimension forte de notre intervention pour faire faire échec aux dynamiques à l’œuvre de marchandisation.

Le cinquième axe, enfin, porte sur tout ce qui relève de la paix et de la sécurité collective. Nous y exposons évidemment notre combat contre la « boussole stratégique » otanienne qui imprime aujourd’hui sa marque à la politique de l’UE dans la guerre d’Ukraine. Mais nous y avançons également l’objectif d’un espace méditerranéen de coopération. Son importance se vérifie d’année en année, quand s’impose l’impérieuse nécessité de nouvelles politiques migratoires, se substituant à celles qui produisent un enchaînement quotidien de tragédies humaines. Il concerne également le besoin de voir les peuples en quête d’autodétermination accéder à l’indépendance, tel le peuple palestinien. Plus généralement, est abordée dans ce dernier axe l’impulsion à donner à des politiques qui répondent à l’aspiration croissante des peuples à s’émanciper des dominations qu’ils subissent, de la part des puissances impérialistes comme des marchés financiers et des banques.

La construction de coopérations solidaires est ainsi un fil rouge de tout le document que nous vous soumettons, et elle s’oppose aux règles de concurrence et de compétition de tous contre tous.

Je n’entre pas davantage dans le détail, pour laisser le temps maximal à notre discussion.

La dernière partie, avant la conclusion portant sur les engagements de nos élus dans le futur Parlement européen, traite évidemment des moyens de faire avancer cette démarche qui nous est spécifique et que j’évoquais en débutant mon propos.

Les moyens, ce sont tout à la fois

• les luttes sans lesquelles on ne saurait imaginer pouvoir changer le rapport des forces ;

• les coopérations entre forces politiques animées de la même conviction que nous ;

• la défense d’une autre utilisation de l’argent, avec au cœur de nos propositions en la matière, la refondation des missions et du fonctionnement de la Banque centrale européenne, et plus particulièrement la création d’un fonds pour le progrès social et écologique dont la création pourrait représenter un coin immédiatement enfoncé dans la logique prévalant dans l’Union, au service notamment du développement des services publics.

Cette proposition fait partie de ce que nous défendons depuis de très nombreuses années.

Article publié dans CommunisteS, n°990, 3 avril 2024.